ÉPISODE 1 – LE CHOC

[temps de lecture : 4-5 minutes]

Une fois de plus, c’est magnifique. Je ne regrette pas de m’être levé tôt ce matin, même si c’est mon jour de congé. Maya dort encore, mais j’ai décidé d’aller profiter de cette vue matinale sur la Baie des Anges… Ça n’a pas de prix ! Ou plutôt si, ça en a un, le prix de notre loyer. A ce prix là on pourrait avoir une petite maison avec un jardin dans le Nord. A la place, c’est un bon 2 pièces, à 3 minutes à pieds de la Promenade des Anglais. Et c’est parfait ainsi !

Faisons les présentations

Moi c’est Jules, 31 ans, niçois et fier de l’être. Né à Nice, grandi à Nice, j’y habite toujours. Après une scolarité somme toute classique et quelques petits boulots de transition après mes études, j’ai enfin trouvé ma voie. Je suis boulanger. Oui, rien à voir avec mes études de commerce, mais au moins là, je fais du concret. Grâce à mon patron qui m’a donné ma chance, j’ai pu faire mon CAP boulangerie au CFA de Carros et être embauché dans la foulée. J’ai pris le rythme, levé 3h15 pour être à la boulangerie à 4h, c’était dur au début mais on s’y fait. C’est une boulangerie de quartier à Magnan, on a beaucoup d’habitués. Des gens des alentours, des familles ou des personnes âgées… Je m’y sens bien.

Côté sentimental, ma vie a suivi un petit peu le même chemin. Après plusieurs déceptions, j’ai enfin trouvé la bonne. Maya, 25 ans, elle est vendeuse dans ma boulangerie. Elle est formidable ! Au début c’était délicat. On ne voulait pas trop parler de notre relation… Mais on est une petite équipe, difficile de cacher ça. Heureusement notre patron et nos collègues ont été super quand ils l’ont appris. Avec Maya, on s’est installé ensemble il y a 2 ans. Il y a des hauts et des bas comme on dit, mais on s’aime !

Le rêve

On travail, on s’aime, mais on galère. La vie est agréable à Nice, c’est beau, mon on gagne pas des milles et des cents non plus. Maya a un peu d’économie grâce à ses parents, heureusement ça nous aide. Chaque mois j’essaie de mettre un peu de sous de côté… Mais c’est dur. Le moindre resto sans abuser nous coûte quelques précieux euros économisés qu’on ne mettra pas dans les vacances de cet été… Mais on y va quand même avec plaisir et on a nos petites adresses favorites. On adore manger niçois ! Quand on est du côté du port on va à la Table “à” Julie, rue Arson, on y est tellement bien reçu à chaque fois. D’autres fois, on va à Saint-Laurent à la Passion des Mets. On adore aussi l’été monter à la Capeline, ça nous fait une vraie pause dans le quotidien chargé. 

Parfois on se met à rêver avec Maya… Et si demain on devenait riche. Et si demain, nous n’avions plus à nous soucier de l’argent. Mais comment faire ? Il va falloir en fabriquer et en vendre des tonnes et des tonnes des baguettes… Et encore, on est que des employés, on ne va jamais devenir riche comme ça… 

On ne sait jamais

C’est décidé, on va jouer au loto ! Je n’ai jamais joué de ma vie, uniquement des jeux à gratter pour gagner de quoi se racheter les mêmes et tout perdre. Non j’exagère, parfois c’était quelques euros à retirer qui faisaient bien plaisir. 

C’est vendredi, j’entre dans le petit magasin de presse rue de France. Il est sur le chemin pour rentrer à l’appartement depuis la boulangerie. Je passe devant tous les jours, mais c’est la première fois que j’y met les pieds. Un peu intimidé, je ne sais pas comment ça marche. La dame au comptoir s’approche et vient m’aider. Je remplis une grille de loto et une d’EuroMillions. Pour le choix des numéros je fais complètement au pif… Je me dis que de toute façon, c’est du hasard. Allé hop, c’est validé ! 

Le choc

Les jours suivants, la routine continue. Levé 3h15, direction la boulangerie, les fournées qui s’enchaînent… J’ai l’habitude de prendre ma pause quand Maya arrive le matin vers 8h à la boulangerie. On se pose, on boit un café, la tête dans nos smartphones… C’est vrai que ce n’est pas le moment où l’on communique le plus. D’un coup Maya se met à sourire avec un petit rire moqueur. Lui demandant ce qui lui arrive, elle me répond : “je viens de recevoir une notif’ de Nice-Matin, un grand gagnant de l’EuroMillions à Nice ne s’est pas manifesté… 47 millions d’euros ! Tu te rends compte !”. Puis, ajoute-t-elle sans y croire “au fait, t’avais essayé de jouer comme on s’était dit ?”. Et là en une fraction de seconde c’est le choc dans ma tête : 

Oui, j’ai joué.
Non, je n’ai pas regardé les tirages… Je n’ai même pas pensé le faire ! Le résultat était tellement évident… 
Où est-ce que j’ai mis les tickets ? 
La veste, c’est dans la veste ! 

Je me lève et file au vestiaire prétextant aller au toilettes. Je sors de ma veste les tickets froissés et m’empresse de chercher les résultats sur mon téléphone… 

C’est le choc ! Un, deux, trois, quatre, cinq bons numéros… Les 2 étoiles… C’est moi, j’ai gagné ! J’AI GAGNÉ ! 

Mais que faire maintenant ? Sortir m’empresser l’annoncer à Maya ? Devant tout le monde ? Mais comment annoncer ça ? Ou peut-être faut-il le garder pour moi et lui en parler à la maison ? Mais comment tenir jusque là ? J’ai des sueurs froides, mon coeur palpite… Il faut prendre une décision, vite !